LE PLUS GRAND MOUILLAGE DU MONDE…
Premier journal de bord que j'arrive a écrire en navigation… et pour cause!! A l'heure de ces mots, nous voguons au gré du vent sur l'immense plan d'eau du Great Bahama Bank, entre Bimini Island et Berry Island, notre prochaine destination.
Des que le front froid qui nous retenait en otage au mouillage grisâtre de North Bimini a commencé a s'estomper, nous avons levé l'ancre et nous sommes enfoncés dans "le grand vert". Des miles et des miles d'eau turquoise a perte de vue, entre 2 et 5 mètres de fonds, l'immensité pour nous tout seuls!
Nous avions prévu de mouiller en plein milieu de nulle part et ne pas chercher impérativement a atteindre une ile ou arriver de nuit dans un mouillage incertain près des cotes.
Même si cette idée me faisait un peu peur au départ, c'est finalement ce que nous avons fait. Le vent a forci dans la journée au lieu de tomber (merci la NOAA et ses prévisions douteuses…) alors nous avons décidé de voguer dans ce désert vert jusqu'à ce qu'il finisse par tomber. Nous avons le temps et l'immensité devant nous, alors pourquoi pas?
Première navigation sous les étoiles et dans le noir absolu, avec très peu de houle et un peu moins de 20 noeuds de vent, en nous mettant au portant, ce fut finalement assez magique.
Vers 21h le vent commence a tomber enfin et nous improvisons notre mouillage.
Un peu chahutés les premières heures du fait de la petite houle de vent, toujours a 9 noeuds, cela se calme au milieu de la nuit.
Et l'incroyable beauté du plan d'eau lisse comme une toile cirée au réveil valait véritablement le coup! Le plus grand et le plus beau mouillage du monde!
Rien autour de nous que cette mer claire et d'huile, parfois le petit point d'un bateau a l'horizon, Suricat immobile, nous nous régalons de ce petit déjeuner hors du commun.
Le courant est orienté nord, vers notre route, et il y a pétole alors nous levons l'ancre et les premières heures, nous nous laissons dériver gentiment.
On peut même faire l'école des enfants, des légumes vapeurs (quel luxe si loin de tout! et vive la cocotte minute, merci aux conseils des copines qui se reconnaitront!) et tout simplement profiter.
Eric est en extase devant "tant de silence que c'en est assourdissant" et nous passons des heures a admirer le ciel, les étoiles de mer sur le fond sablonneux, par-ci par-la des grands morceaux de tôles ondulées retenues par un poids (qu'est-ce? des trappes a coke? on ne le saura jamais).
Pour seul animal de compagnie, le sempiternel Vaisseau Portugais que nous avons croisé tous les jours sur notre route.
Cette méduse tout droit sorti d'un film de sciences fiction gonfle sa grand voile et se laisse porter par le vent a la surface de l'eau.
On touche avec les yeux bien surs, et déjà ça pique presque, mais un peu de vie dans tout ce sable la rend sympathique.
Ici, pas de communication, pas d'internet, pas de pollution, juste nous, le bateau, la mer "qui ressemble au ciel" comme dit Coline et une journée comme dans nos rêves de voyage.
Nous comptons attendre le vent de sud/sud ouest pour rejoindre demain le nord des cotes de Berry Island, retrouver Internet, les mails qui nous attendent avec d'éventuelles réponses a nos déboires administratives, mais qui aussi nous permettra de mettre en ligne ces quelques paragraphes de poésie marine.
Et maintenant, je vais lever le nez quelques secondes inspecter l'horizon du Great Bahama Bank des Tartares.