Debut de voyage
Tout fier de notre première traversée "en solitaires", un bon portant de 15 noeuds bien agréable, nous sommes descendus de Fort Lauderdale sur Miami (Marine Stadium, on change pas une équipe qui gagne) ou nous avons du attendre la bonne fenêtre météo pour la fameuse traversée vers les Bahamas, direction Bimini Islands, les iles des Bahamas les plus proches de la Floride.
5 jours d'attente qui ont eu le mérite de nous permettre d'avoir nos deuxièmes invites a bord, Damien, Aurelie et le petit Andrea, plus jeune petit matelot que Suricat ait connu, 4 mois a peine!
Grace a leur présence nous apprécions encore plus le confort et la douce navigation de notre bateau dans la baie abritée de Biscayne, dauphins et tortues au rendez-vous.
In extremis le 26 nous chopons du vent de Sud - Sud Est pour nous emmener vers Bimini Island, traversée réputée pas évidente car nous devrons lutter contre le Golf Stream et ne pas trop nous déporter nord pour rejoindre notre point de chute.
Le vent était sensé ne pas dépasser 20 noeuds et tourner Ouest dans la journée pour nous donner un joli portant, ce ne fut malheureusement pas le cas. Un bon 25 noeuds au près, pour une première grande traversée tous ensemble, on aurait pu faire mieux, mais il a bien fallu faire avec vu qu'Eric devait fuir les US avant le 28 de toutes façons!
Vive le Sturgeron, médicament magique que nous avions commande en Asie et qui a permis a Eric de gérer la navigation comme un chef, et a moi de gérer les filles a l'intérieur. Grosse frayeur d'Eden face aux vagues les premières heures et mal de mer tenace pour Coline. Nous nous découvrons étonnamment zen pour des débutants, ne nous laissons pas attendrir par l'état des filles et perseverons dans notre route. Le métier qui rentre peut être? Cette navigation nous confirme que Suricat est un bon bateau qui prend bien la mer, le Bahia est plutôt stable face aux vagues, "haut sur pattes" et sécurisant.
En chemin nous entendons un petit "glin guiling guiling" des plus désagréables… Eric me regarde dépité… "ne me dis pas que ce sont des billes…". On repense a Sony et son "one for the boat, one for the sea" et en levant le nez on s'aperçoit que notre coulisseau de têtière flambant neuf aura a peine dure 10h de nav… Il vient de lâcher et de sortir du rail.
Un peu ma claque des problèmes techniques, alors j'épargnerai au lecteur ces détails sans fin sur tout ce que devons modifier, changer, réparer et me concentrerai plutôt sur la partie voyage!
Car au final, les soucis techniques seront toujours la, l'un chassant l'autre, ou venant gentiment s'y accoupler pour nous rendre la tache plus ardue, mais ils ne savent pas qu'ils ont a faire a notre persévérance (presque) sans faille! Le meilleur remède sera donc de les ignorer dans ce journal de bord...même pas mal!
C est donc tout fier de notre exploit que nous arrivons a North Bimini, Alice Town, ça ne s'invente pas pour une première escale de toute ma vie de navigatrice.
Nous mouillons au nord du chenal, en face de Bimini Bay Resort Marina, pour fuir la zone de mauvais mouillage exposé au courant a l'entrée de North Bimini ou tous les bateaux ont tendance a se mettre. Super wifi gratuit, de l'espace pour 4 bateaux (le luxe!) et plutôt abrité. On peut difficilement espérer mieux. Il nous faudra tout de meme reprendre 3 fois notre mouillage en 2 jours avant de bien positionner le bateau, mais la aussi, c'est le métier qui rentre.
North Bimini a une plage déserte et magnifique qui nous fait nous sentir enfin en voyage. Nous découvrons stupéfaits que la faune locale est bien plus impressionnante que ce que nous pouvions voir en Polynésie.
Eric discute avec un Suisse qui, au bord du chenal, organise des rencontres entre les touristes et les requins bouledogues, rien que ça! Attirés par le nettoyage de poissons des pêcheurs, qui attira également Hemingway a Bimini et lui inspira le Vieil Homme et la Mer, de bons gros requins bouledogues se baladent au bord des habitations!
On est tout de suite mis au fait de la chose par des touristes qui nous voient débarquer en dinghy et nous déconseillent le snorkeling dans la zone… En plein chenal on croise un vol de raies leopard grosses comme des raies manta, des étoiles de mer en pagaille, des tortues qui tournent autour du bateau… La vie sous-marine des Bahamas ne semble pas un mythe, nous avons hâte d'en voir plus!
L'ile en elle même est surprenante de décrépitude. Carcasses de golf car (leur unique moyen de transport arrive tout droit des US) et épaves de bateau tout le long de l'unique route de l'ile, petits hôtels déserts et dans un état de délabrement avancé, pontons arrachés un peu partout… Cela ne semble pas dater de Sandy et l'ile semble comme abandonnée a son sort, pourtant si proche du continent Americain et de la rutilante Floride, quel choc!
Les gens sont gentils et nous avons un peu l'air de bêtes curieuses ici, mais l'accueil est agréable. Clearance sans encombre auprès d'un douanier souriant (notez l'exploit). Nous découvrons que nous avons un droit de séjour d'un an aux Bahamas avec le bateau moyennant 300 USD (ouf, les enfants de paient pas). Puis immigration auprès d'un agent tout occupé a regarder un film sur son Ipad avec son casque sur la tete et que nous dérangeons manifestement. Mais pour nous le résultat est la: passeport d'Eric tamponné avant le 28 février, mission accomplie!
Bloqués a Bimini pour quelques jours le temps de laisser passer un nouveau front froid venu du Nord, nous lions connaissance avec nos voisins de bateau, Dan et Linda, qui confirment une fois de plus la gentillesse et l'ouverture des gens de bateau. Sexagénaires qui ne le paraissent pas, on les invite des le premier soir a bord. Les filles sont ravies d avoir des invités même si elles ne comprennent toujours pas grand chose en anglais, ça n'a pas l'air de les déranger.
Nous ne partagerons que 2 jours avec eux mais le petit sentiment d'abandon qui s'empare de nous a les voir repartir vers la Floride nous fait entrevoir la vitesse des liens tissés entre les gens de la mer.
Dan propose a Eric d'aller a la pêche aux conques des le lendemain. Ici, il y en a tellement que les habitants construisent des digues avec les splendides coquilles de ce mollusque aussi moche dedans qu'il est beau dehors. Ou que vous alliez, c'est conques au menu: salade de conques, hamburger de conques, sandwich a la conque…
Aussi surprenant que cela puisse paraitre, impossible de manger du poisson dans l'unique petit restaurant de la "ville", nous n'avons pas pu percer ce mystère au sein même de l'ile connue pour ses concours de pêche!
N'ayant pas assez de témérité pour nous mettre dans l'eau (un peu froide ces jours ci) chercher des langoustes en risquant de tomber nez a nez avec un requin bouledogue, nous nous rabattons donc nous aussi sur les conques.
Le nettoyage de la bestiole relève de l'acte chirurgical, a peu près aussi ragoutant et tout aussi précis. Eric n'en revient pas de mon enthousiasme a nettoyer, dépecer, découper puis battre inlassablement ce truc caoutchouteux pour le rendre comestible. Et oui, telle Jane livrée a elle-même dans la jungle, je me transforme jour après jour, mon cerveau et mes mains se concentrent sur l'essentiel et je me découvre même du plaisir a m'attaquer a cette tache fastidieuse et, il faut le dire, dégueulasse au premier abord.
Au final Eric n'est pas fan du met local ultra chargé en iode, j'en sers un minimum aux filles car mon esprit toujours un peu trop angoissé se met a craindre une hypothétique allergie au mollusque, et je me retrouve seule a manger de mon plat finement cuisiné, les pates aux conques et le ceviche de conque.
Pour la petite anecdote, le soir même nous jouons a un jeu qui fait le ravissement des filles dont le but est de trouver des recettes de pizza avec 5 ingrédients immondes a mettre dessus. Ca les amuse énormément, et juste après les incontournables défections de chien et chat, "le truc que tu avais mis dans les pates maman" arrive en 3eme position sur le podium. J ai compris le message, mais pour les moins difficiles que mon Capitaine ou mes moussaillons, je recommande tout de même l'expérience des conques! J'ai apprécie mon propre plat, c'est le principal!
Autre truc et astuce que nous donnent Dan et Linda, eux aussi soumis aux contraintes de la limitation d'eau, la Marina devant laquelle nous mouillons a de superbes douches, ouvertes et non surveillées, chaudes et confortables a souhait. Alors de nuit, nous montons discretement sur notre dinghy et, prétextant une petite ballade nocturne dans le vent et la pluie dans le Resort désert de la Marina, nous nous glissons dans le bâtiment des toilettes douches et prenons une des douches chaudes a volonté les plus appréciables de notre vie, pour les grands comme pour les petits!
Pas forcement fiers de notre mini larcin, pour couronner le tout je me trompe de douche et utilise avec les filles celle pour handicapés qui n'a pas de marche. Bilan de l'opération, nous nous apercevons une fois cette orgie d'eau sous pression terminée, que nous avons littéralement inondé l'endroit…
Nous quittons les lieux peu fiers mais tellement réchauffés et propres que cela nous enlève tout sentiment de culpabilité, ne laissant derrière nous pour seul preuve de notre passage que de petites empreintes de Crocs taille 27/29 qui pourraient nous faire repérer pour le lendemain soir…