Providencia, ça se mérite !
J'ai bien dit Cayos CAjones et non Cayos COjones mais je vois déjà d'ici le sourire narquois des affalés du radiateur au fond de la classe d'Espagnol se bidonnant inlassablement à l'évocation grivoise de ce proche homonyme…
Alors, en leur mémoire, et n'ayant plus honte de ma vulgarité hispanique désormais légendaire suite au petit remake de Bref ("J'ai fait mon entrée au Mexique"), voici un petit cours sur les subtilités de la langue…
Cayos (de mis) Cajones…
En traduction littérale… P… de cailles!!!!
C'est ce que j'ai d'abord songé sur le trajet qui devait nous mener de notre cher mouillage de French Harbor, Roatan, théatre de bien bons moments, synonyme de bien être et de douceur de vivre, plongées, copains, fiestas, jusque'à la pointe Est du Nicaragua.
Evidemment, pour descendre vers le Panama, avec un arrêt à la bien nommée Providencia, il fallait bien tout d'abord se rendre jusqu'à la pointe, face aux vagues et face au vent.
Nous avions largement attendu une fenêtre météo entre deux dépressions de nord et choisi, dirons-nous, la moins pire.
Mais arrivés au large de Guanaja, dernière ile de l'archipel des Islas de la Bahia, et dernier refuge avant le coup de tabac, nous avons déjà 25/30 noeuds au lieu des 15 annoncés et déjà 2,5 mètres de houle au lieu des 1,5m annoncés. Les météorologues de la NOAA étant soit de vrais incompétents, soit de vrais psychopathes sadiques pour toujours sous-estimer les conditions qui nous attendent, le doute s'empare de nous…
Les conditions étant sensées empirer jusqu'à la pointe sur les 150 miles restant, est-ce prudent de continuer alors que nous nous sentons déjà dans la machine à laver et que tombe la nuit? Sans possibilité de mise en fuite si les conditions deviennent périlleuses?
La décision est vite prise, demi-tour toute mon Capitaine !
Guanaja et sa baie protégée ne sont qu'à 12 miles de la, et nous avons beau avoir horreur de revenir en arrière, cette fois-ci, c'est avec soulagement que nous rebroussons chemin.
48h plus tard et les conditions météo semblant meilleures, nous reprenons la route, bien décidés à atteindre cette pointe et avec de nouvelles informations:
Il y aurait par là-bas, en plein milieu de la haute mer, une barrière de corail isolée offrant un mouillage protégé même pas fort vent… difficile à croire mais nous avons envie d'y croire.
Information récupérée par téléphone arabe, d'un bateau américain (Sofia), qui connaitrait le coin, et aurait donne les coordonnées GPS à nos amis de Phileas, qui comptent nous y rejoindre avant de remonter sur Cuba.
C'est parti donc… Nous sommes chanceux d'un Nord-Est établi, mais malgré les 25 noeuds qui nous font avancer vite, nous dérivons de notre cap et devons tout appuyer au moteur pour limiter la derive.
La mer de face et la remontée au près sont éprouvantes et sur le chemin je jure en mon fort intérieur "mais quand est-ce qu'on y arrive à ces Cayos DE MIS COJONES!"
Cayos (de) Cajones!
En traduction littérale… Géniales ces cailles!
Incroyable comme une minuscule omission change tout le sens de l'expression, non ?
Fourbus et nauséeux, nous n'arrivons pas à croire qu'un mouillage calme peut nous attendre quelque part dans cette immensité de bleu fonce déchaîné, de houle croisée, de "mer mal rangée" comme le disent certains.
Et pourtant, d'un coup, la mer s'aplatît comme par enchantement et nous nous retrouvons à l'abri d'un récif de plus de 1 mile de large, immergé mais tout autant efficace. La fin de journée approche et nous apercevons au loin le mat d'un bateau… C'est Sofia, le bateau de l'affable Keith et son acolyte Lanny, retraite de l'armée de l'air américaine, double vétéran du Vietnam et haut en couleur. C'est eux les porteurs du bon plan.
N
ous mouillions dans 4m de fond, une eau claire, entre deux petites bandes de terre affublées de hutte pour me donner l'impression de sécurité grégaire que j'aime à retrouver au milieu de nulle part.
Ce mouillage tout aussi improbable qu'inespéré est tout simplement parfait, protecteur, calme, béni!
Assez loin des cotes inhospitalières du Nicaragua, non pour leur topographie mais pour leurs pirates, nous y sommes en sécurité et y prenons un repos bien mérité. Nous profitons même le lendemain d'une dernière soirée avec nos amis de Phileas, langoustes mémorables et soirée conviviale des trois bateaux ensemble.
Cette fois la météo est clémente, avec nous et plus contre nous. Apres un dernier adieu (au revoir!) aux copains, nous prenons route avec Sofia, direction Providencia.
Suricat file entre 8 a 9 noeuds sur une mer calme (nous épargnant enfin le Mercalm), un vrai bonheur de navigation.
Le paradoxe de la navigation hauturière me frappera toujours… Un jour on se demande ce qu'on fout la, le lendemain, on ne veut plus être ailleurs…
Infos Pratiques
Coordonnees GPS Cayos Cajones (Hobbies Cays):
Approche depuis les iles de la baie, Honduras
16.04.393 N
83.21.583 W
Atterissage devant la zone de mouillage
16.01.885 N
83.07.693 W
Mouillage sur le point
16.00.862N
83.07.033W
